15 mars 2021
En 2001, deux nouveaux types de fiducie ont fait leur apparition au Canada : la fiducie en faveur de soi‑même et la fiducie mixte au profit du conjoint. Essentiellement, les deux permettent au constituant d’une fiducie entre vifs de transférer des biens en immobilisation dans une fiducie en report d’impôt si les conditions suivantes sont respectées :
Ces fiducies comportent de nombreux avantages. Elles permettent notamment d’économiser sur les frais d’homologation et d’assurer la confidentialité, deux sujets qui seront abordés dans un autre article. Nous présentons ici certains des pièges ou des inconvénients possibles du recours à de telles fiducies.
Honoraires professionnels
Tous les actes de fiducie doivent être rédigés par des professionnels qui exigent des honoraires. Les fiducies en faveur de soi-même et mixtes au profit du conjoint ne font pas exception. En fait, vu les exigences techniques associées à ces fiducies, il est plus important d’en confier la rédaction à des professionnels compétents. Par exemple, certaines fiducies comportent des clauses standard accordant au fiduciaire le pouvoir de modifier la fiducie. Or, avec une telle clause, le constituant et son conjoint ne seront plus les seuls à bénéficier de la fiducie. Elle pourrait donc entraîner une disposition réputée immédiate.
Il faut examiner attentivement le coût immédiat de la création d’une telle fiducie par rapport aux économies futures de frais d’homologation et d’impôt qu’elle procurera. Les frais juridiques varieront selon la complexité de la fiducie.
Assujettissement possible au fisc américain
Si la fiducie est exposée à l’impôt successoral américain au décès du constituant, il y a risque de double imposition. Le constituant serait assujetti à l’impôt successoral américain dans les cas où le fisc américain ne reconnaît pas la validité de la fiducie, tandis que le Canada considère la fiducie comme un contribuable distinct. Les conventions fiscales ne prévoient aucun allégement dans ces situations.
Limitation de l’exonération des gains en capital
Ces fiducies ne bénéficient pas de l’exonération des gains en capital de 848 252 $ (2018) à la vente d’actions de SPCC admissibles ou pour des actions détenues dans une SPCC ou des biens agricoles ou de pêche admissibles (1 M$ pour 2018). Par conséquent, il faut normalement avoir recours à une planification complexe pour avoir accès à cette exonération. Une possibilité serait de renoncer au report d’impôt lors du transfert des biens à la fiducie.
Questions de droit familial
Le transfert d’actifs à une fiducie pourrait réduire les actifs à diviser en cas d’échec du mariage. Si le tribunal estime qu’une des raisons de l’établissement de la fiducie est de réduire la valeur nette des biens familiaux, le transfert pourrait être jugé frauduleux.
Planification des dons de bienfaisance
Les dons de bienfaisance par testament ou par l’entremise d’une assurance ou d’un régime enregistré sont réputés être des dons de la succession et procurent ainsi de nombreux avantages. Par exemple, un don de bienfaisance testamentaire peut donner droit à un crédit d’impôt l’année du décès. Ce crédit peut être demandé dans la dernière déclaration de revenus ou par la succession et tient compte du revenu net global de l’année du décès et de l’année précédente, plutôt que 75 % du revenu net selon la règle normale. De plus, une certaine souplesse est permise à l’égard des dons du vivant du constituant lorsque les actifs sont détenus à l’extérieur d’une fiducie en faveur de soi-même ou mixte au profit du conjoint. Par contre, les fiducies entre vifs ne jouissent pas de ces avantages puisque les actifs ne sont pas réputés être donnés par une succession. Par ailleurs, puisqu’il est interdit aux fiducies en faveur de soi-même ou mixtes au profit du conjoint de verser une partie quelconque de leur revenu ou de leur capital à quelqu’un d’autre que le concédant (ou son conjoint dans le cas d’une fiducie mixte au profit du conjoint) du vivant du constituant (ou du conjoint), le constituant ne pourra pas se servir des actifs de la fiducie pour réaliser ses objectifs de dons de bienfaisance de son vivant. Il est toutefois permis de faire don du revenu ou du capital reçu de la fiducie.
Si le don de bienfaisance est structuré de façon à survenir au décès du constituant (ou du conjoint dans le cas d’une fiducie mixte au profit du conjoint), la fiducie pourra normalement bénéficier du crédit d’impôt qui en découle pour compenser l’impôt à payer par la fiducie l’année du décès.
Deux contribuables
La fiducie étant un contribuable distinct du constituant ou de son conjoint, les gains de la fiducie ne peuvent être compensés par des pertes réalisées par le constituant, vice versa.
Planification fiduciaire future
Si la fiducie doit persister au-delà du décès du constituant et de son conjoint (par exemple, si les fonds doivent être détenus en fiducie pour un enfant ou un petit-enfant), les fonds seront réputés provenir d’une fiducie entre vifs, ce qui crée une situation fiscalement désavantageuse. Si les fonds étaient passés par la succession du parent ou du grand-parent, la succession aurait bénéficié de taux d’imposition progressifs pendant trois ans. Par contre, le revenu imposé aux mains d’une fiducie entre vifs est assujetti au taux marginal le plus élevé et ne bénéficie pas des trois années de taux progressifs.
Planification administrative permanente
Une fiducie doit produire une déclaration de revenus annuelle et entraîne des obligations de déclaration qui vont bientôt s’alourdir.
Le budget fédéral de 2018 propose d’appliquer de nouvelles exigences à l’égard des déclarations produites à partir de l’année d’imposition 2021 pour certaines « fiducies expresses » résidant au Canada et pour les fiducies non résidentes qui sont actuellement tenues de produire une déclaration T3. Le budget définit la fiducie expresse comme une fiducie créée avec l’intention expresse du constituant, contrairement à une fiducie résultante ou constructive ou à certaines fiducies réputées survenir en vertu des dispositions d’une loi.
De nombreuses fiducies seront exemptées de ces exigences, notamment les successions assujetties à l’imposition à taux progressifs, les fiducies admissibles pour personne handicapée, les fiducies existant depuis moins de trois mois et les fiducies d’une valeur inférieure à 50 000 $, dans la mesure où la fiducie détient uniquement des dépôts, des titres de créance gouvernementale ou des titres cotés en bourse.
Cette annonce n’est guère surprenante puisqu’elle va dans le sens des règles de déclaration appliquées dans d’autres pays et aux sociétés. Le formulaire de déclaration n’a pas encore été émis et bien des questions restent sans réponse; ainsi, on ne connaît pas l’ampleur du fardeau administratif et on ignore s’il faudra déclarer uniquement les catégories ou chacune des personnes.
Les Canadiens qui ont recours à des fiducies entre vifs dans le cadre de la planification de leur patrimoine ou de leur succession, y compris des fiducies en faveur de soi-même et mixtes au profit du conjoint à partir de 2021, seront maintenant assujettis à de nouvelles exigences de déclaration, que la fiducie gagne ou non un revenu imposable. Les administrateurs de fiducie auront à tout le moins une démarche administrative de plus à accomplir.
Conclusion
Dans mon prochain article, il sera question des avantages des fiducies en faveur de soi-même et mixtes au profit du conjoint. Pour l’instant, il importe de retenir que les fiducies ne conviennent pas à tout le monde et qu’il faut tenir compte des considérations ci-dessus avant de recommander une telle solution.
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